à côté ...
« Seine
Saint Denis style...fous donc ton gilet par balles...la Seine Saint Denis,
c'est de la bombe baby »...chante ce matin dans mes oreilles le Suprême
Nique Ta Mère.
De la
bombe oui.
Sous un
ciel gris comme le bâtiment administratif peinturluré de pollution devant
lequel les usagers attendent pour leur carte grise ou leur passeport, gris
comme la mastodonte d’acier et de verre soviétique devant lequel patientent des
heures noirs et bridés, caramels et cafés, moustaches et voiles enserrant des visages
résignés,
Sous le
ciel tout gris de la Seine Saint Denis donc, je suis là moi aussi.
Un flic,
grand, gras et très occupé à jouer avec son téléphone portable fait office
d'agent de sécurité. Le gilet pare-balle et son ventre très rond obstruent le
moindre de ces gestes.
Les
demandeurs d'asile et les réfugiés statutaires se pressent pour entrer.
Comme
chaque matin où, plus qu'ailleurs, j'ai l'impression que le ciel ne changera
pas et restera comme ça, chargé, gris plomb.
L’accueil
des demandeurs d'asile se passe correctement. Même si c'est un peu l'usine, le
travail à la chaine. Les agents n’ont pas le temps. Ils n’ont ni l’envie
d’esquisser un sourire, ni de renseigner les étrangers. Pourtant il est à peine
neuf heures. Pourtant la journée ne fait que commencer. Pourtant ici le calme ambiant
devrait apporter un peu plus de sérénité.
Ce n’est
pas comme à coté où l'on renouvelle les titres de séjour, où les guichets sont
engorgés, où les usagers collés aux vitres, exténués, hurlent et tapent contre
les guichets, insultant les agents qui les insultent à leur tour à coups de délicats
« des gens comme vous on n'en veut pas chez nous en France »,
où les enfants se font bousculer, où des deux cotés, tout semble pouvoir
basculer.
Derrière
les vitres, je regarde les yeux grands ouverts, je fixe les pupilles, les mains
et les doigts qui se déploient. Je retiens en souvenir des visages, la
pigmentation de la peau et l’implantation des cheveux, les vêtements et toutes ces
mains, tous ces doigts qui se déploient là. Je regarde ce noir, cette haïtienne
âgée, impériale, plein-le-dos des exactions commises par ces Chimères qui
pourrissent dans les eaux cloacales de Port-au-Prince. Je me souviens de la
beauté mauritanienne de ce cinquantenaire et des bruits que faisaient les
bracelets d’une sri-lankaise. Je me souviens de ce monsieur turc petit et mal
rasé qui avait insisté pour me remercier : mais merci pourquoi monsieur
Turquie ? Pour un bout de papier valide trois mois ?
Un bout de papier Monsieur Turquie, ce n’est rien pour moi.